Gacox le Mag souhaite souligner que cet article fut entière écrit par Madame Béatrice Harielle, Directrice du Musée du Sel de Salies-de-Béarn. Ses travaux et ses ouvrages sont honorables, nous tenons à remercier et féliciter cette grande dame pour son article. Ainsi qu’à la Directrice du Casino de Salies-de-Béarn Marion FOLLIN, pour leur communication entre Gacox le Mag et le Musée du Sel.
La Grande Histoire du Musée du Sel de Salies-de-Béarn
Les premières occupations humaines du territoire de Salies-de-Béarn remontent aux époques préhistoriques, en lien avec les sources d’eau salée, attestées par les nombreuses découvertes archéologiques récentes.
Mais le charme de cette petite ville se révèle au détour de promenades dans la cité même et propose un voyage dans le temps à chaque curieux.
Béarnaise depuis 1194, la communauté de voisins (bezii en béarnais) s’installe en plein cœur d’un bourbier, zone humide alimentée en rivière d’eau douce (le Saleys) et où se trouve la source d’eau salée du Bayaà.
L’originalité de Salies : la cité octroie le droit de puiser l’eau salée dans la source du Bayaà, à chaque voisin qui transforme cette saumure en sel pour les salaisons quotidiennes. Les maisons de la ville enfermées dans l’enceinte fabriquent elles-mêmes leur sel.
Il est aussi une légende… Un sanglier, blessé par les chasseurs de la cour de Gaston Febus vient à mourir aux abords de la source salée du Bayaà. Couvert de cristaux de sel, ce sanglier aurait dit: «Si you nou y eri mourt, arès n’y bibéré
» (si je n’y étais pas mort, personne n’y vivrait). Les premières maisons auraient été bâties suite à cette découverte. La fontaine au sanglier, place du Bayaà symbolise cette légende.
La cité devient alors le 5e bourg le plus important de la Vicomté De Béarn. Salies s’agrandit autorisant ou refusant l’installation des nouveaux venus. En 1587, un règlement est inscrit dans le Livre Noir, ouvrage communal de cette période. Ce règlement de la fontaine salée précise, avec force de détails, qui a le droit d’avoir de l’eau salée. Ils seront désormais appelés part-prenants (hommes respectant le droit d’aînesse mais aussi les cadets, les femelles, mariées ou veuves tous voisins). Ce règlement note également la quantité distribuée : le compte de saüce. Chaque part-prenant homme recevra un compte entier soit 26 sameaux à chaque vidange du bassin. Les femelles (femmes) n’en percevront qu’un demi-compte ou 13 sameaux. Et ce, plusieurs fois dans l’année. Pour un meilleur suivi, les distributions sont surveillées par un personnel assermenté et enregistrées dans des ouvrages encore visible au Musée du sel.
A SALIES-DE-BÉARN, LES SANGLIERS PARLENT LE BÉARNAIS !
On raconte qu’au Moyen Age un sanglier blessé par des chasseurs eut la bonne idée d’aller se réfugier dans un marécage boueux.
On le retrouve mort mais recouvert de cristaux de sel. C’est à ce moment là qu’on se rend compte que dans le sous-sol salisien coule une source d’eau salée.
Avant de mourir, ce sanglier aurait eu ces dernières paroles : « Si je n’y étais point mort, personne n’y vivrait ».
Surtout, une fois sur la place du Bayaà, ne manquez pas de venir le saluer !
La ville se transforme peu à peu : chaque maison de part-prenant déclare posséder un coulédé, dans la rue et son propre duli, réservoir d’eau salée aménagé dans le sol. Au détour de la ville, ces structures sont encore visibles.
Les tiradous (porteurs de sameaux) vident le bassin de la source du Bayaà sur de longues journées, ramenant ainsi l’eau salée de chaque part-prenant dans les maisons.
Vient ensuite la fabrication du sel. Si tous les ateliers ont été malheureusement détruits au milieu du XIXe siècle, il existe encore une reconstitution d’atelier de façonnage au Musée du sel.
Le sel ainsi fabriqué, servira pour les salaisons en tout genre mais plus particulièrement pour les jambons, vendus sur Bayonne.
Après bien des péripéties, de tricherie et de querelles, les part-prenants et leur corporation vont connaître un coup dur.
La loi sur le sel de 1840 interdit aux part-prenants de faire leur propre sel puisque chaque atelier (chaque maison de part-prenants) doit fabriquer 500 tonnes de sel par an. La première saline est construite en 1842 à la sortie de la ville, à l’emplacement du Centre de rééducation Fonctionnel actuel. Protégé par un chemin de ronde et une enceinte en bois, la saline subira un incendie, détruisant l’édifice qui sera reconstruit à quelques mètres de la gare.
L’actuelle saline, rénovée et modernisée dans les années 2000 produit toujours le sel nécessaire aux salaisons du jambon de Bayonne.
Mais le coup dur de la loi sur le sel sera malgré tout bénéfique puisque dès 1800, les analyses d’eau montrent officiellement le potentiel thérapeutique de l’eau salée du Bayaà. De quelques
baignoires en bois installées dans la première saline, on décide vite de construire le premier établissement de bains à côté même de la fabrique. Détruit par les flammes en 1888, une nouvelle station thermale à la façade de brique rouge et pierre blanche voit le jour, très à la mode à l’époque.
L’eau salée de Salies revêt une grande importance. Elle est personnifiée sous les traits de la Mude, œuvre du sculpteur Jean-Lucien Tisné (1914). «Ah praube mude! Toustem tounude». Ah pauvre mude, toujours tondue ( poème d’Al Cartero).
Cette femme, allégorie de la reine des eaux salées se trouvait à l’origine dans un bassin accompagnée d’une femme, vieille salisienne, lui présentant un enfant malade. Par ses pouvoirs, la Mude guérit l’enfant mais de son doigt sur la bouche, elle exprime ce double message : elle reste la garante de tous les secrets malveillants des salisiens.
Elle reste la mude, la muette.
Débute également cette grande vague de travaux visant à transformer le vieux bourg béarnais en une cité chaleureuse, vivante à la mode parisienne. De grandes fortunes investissent dans la future station thermale. Des rues immenses sont aménagées : les boulevards de Saint Guily et de Paris.
Les hôtels du Château (1882), de la Paix (1883), le Hameau Bellevue (1883), l’hôtel de France et d’Angleterre (1885), du Parc (1893), La Maison Larrouy, l’hôtel de Paris, le Pavillon Medicis accueillent une clientèle aisée, très souvent étrangères (aristocratie espagnole, russes et anglaises) ou de grandes renommées: Marcel Proust, enfant accompagné de sa mère, l’écrivain Hector Malot, le poète Tristan Derème, hommes politiques en vue, le comédien Maurice Escande de la Comédie Française.
Les locations chez l’habitant quant à elles, satisfont les curistes plus modestes de mars à Octobre. Cette manne financière obligent certaines familles à déménager de la maison familiale le temps de la location.
En 1884, la Compagnie des chemins de Fer du Midi dessert les grandes lignes de Paris à Toulouse en passant par Salies, drainant ainsi des milliers de baigneurs, leurs familles et leurs domestiques.
Cette Belle époque du thermalisme salisien a pour conséquence bien des changements dans la petite bourgade béarnaise. Salies est réputée «sale», les animaux sont dans les rues, les fumiers sont conservés largement arrosés d’eau salée : le meilleur des engrais ! Il faut donc l’assainir et lui assurer une meilleure réputation ventée dans les articles de presse du Figaro et autres supports publicitaires en vogue.
Le bassin de la source du Bayaà est couvert pour la protéger des immondices (1867). Depuis ce jour, le bassin est appelé la crypte du Bayaà.
Le moulin de Trotecaà en plein cœur de la ville est détruit par un incendie en 1887 , son canal sera comblé en 1892 pour y installer l’égout collecteur. Les galères, petites ruelles entre les maisons sont progressivement condamnées.
Ouverte aux nouveautés, la ville est électrifiée, le télégramme rapidement et prend vite des habitudes de grandes cités. Pendant la saison, les concerts et tout autre spectacle rythment la vie de la colonie. On réclame un orchestre et un véritable kiosque à musique est bâti en 1887. On veut des jeux, et un café cercle puis un véritable casino est construit.
Salies-de-Béarn renaît finalement de ses cendres et seuls les découpages des paroisses Saint Martin et Saint Vincent perpétuent le souvenir du vieux bourg médiéval. L’église Saint Martin trône sur le flanc du pain de sucre et l’église fortifiée saint Vincent s’accroche sur le bord du Saleys.
Le culte protestant survit encore et la ville se dote d’un véritable temple, œuvre de Xavier de Saint-Guily architecte de l’hôtel du Parc.
La lourde concurrence de la station balnéaire de Biarritz aura raison de tant d’investissements. A ceci se rajoute le conflit de la première guerre mondiale, et Salies perd cette clientèle aisée de l’aristocratie et bourgeoise française et étrangère. C’est la fin de cette belle époque du thermalisme…